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Le 2025-04-13 18:10:02

Dingue! IL VA Y AVOIR DU SPORT! Le dopage d’hier à aujourd’hui Des technos qui mènent à la victoire Commotions cérébrales: où en est-on? Le sport, une affaire de psychologie ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC Le sport est un grand Ce dossier est inséré dans le numéro de décembre 2018 du magazine Québec Science. Il a été financé par l’Université du Québec et produit par le magazine Québec Science. Le comité consultatif était formé de: Marie Auclair, UQAM Caroline Boily, UQTR Myriam Duperré, UQAC Ève-Marie Lavoie, UQAC Pietro-Luciano Buono, UQAR Christophe Maïano, UQO Stéphanie Duchesne, UQAT Josée Charest, INRS Mario Dubois, ÉTS Éric Lamiot, TÉLUQ Andrée LaRue, UQ Valérie Reuillard, UQ Marie Lambert-Chan, QS Coordination: Marie Lambert-Chan et Valérie Reuillard Rédaction: Annie Labrecque Marie Lambert-Chan Maxime Bilodeau Graphisme: François Émond Correction-révision: Sophie Cazanave Bibliothèque nationale du Canada: ISSN-0021-6127 Les 10 établissements du réseau de l’Université du Québec ont pour mission de faciliter l’accessibilité à l’enseignement universitaire, de contribuer au développement scientifique du Québec et au développement de ses régions. laboratoire Le sport n’évolue pas que dans les arénas et les gymnases. Il est un laboratoire en soi, où interviennent tour à tour la biomécanique, la médecine, la psychologie, la chimie, la technologie, le génie, le marketing et même la diplomatie. Ce n’est pas nouveau : depuis la Grèce antique, les esprits scientifiques étudient les méthodes d’entraînement pour améliorer les performances des athlètes. Aujourd’hui, grâce aux chercheurs, des sportifs réussissent à repousser les limites de leur endurance et tirent profit de technologies de plus en plus pointues. On se tourne également vers la science quand vient le temps de disséquer et de vaincre les maux qui affectent le monde du sport, comme le dopage, les commotions cérébrales et les troubles du comportement alimentaire. Ce dossier illustre bien à quel point le sport est un objet de fascination sans fin pour les scientifiques − qui n’hésitent pas à donner leur 110 %. 3 Une longue histoire de triche Le monde du sport est gangrené par le dopage. Retour sur une lutte sans trêve. 5 Commotions cérébrales : la science progresse Des chercheurs perfectionnent les techniques de détection et les protocoles de guérison. COUVERTURE: ALEX/UNSPLASH - CI-HAUT: WAVEBREAKMEDIA/ISTOCKPHOTO 8 La victoire, une avancée technologique à la fois ou simplement pour garder la santé, un sportif peut aujourd’hui compter sur la technologie. 14 Le sport pour mettre les villes en valeur 11 Le sport contre le Big Mac Un chercheur montre que l’entraînement à haute intensité peut compenser les effets néfastes de la malbouffe. 12 Le sport, une affaire de tête ! Pour se surpasser, un athlète doit veiller à s’entraîner aussi mentalement. Pour grimper sur la plus haute marche du podium Le professeur André Richelieu étudie comment la réputation d’une ville ou d’un pays peut se faire (et se défaire) grâce au sport. 16 L’essor fulgurant du sport électronique Des millions de spectateurs regardent des tournois de jeux vidéos sur le Web ou dans des stades remplis à craquer. Explications. 2 LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC | SPORT Une longue histoire de triche Le monde du sport est gangrené par le dopage malgré l’émergence de méthodes de dépistage sophistiquées dans les dernières décennies. Retour historique sur une lutte sans trêve. Par Maxime Bilodeau « Aveux de dopage : Lance Arm strong a beaucoup à perdre », rapportait Le Devoir en 2013, dans la foulée des confessions du septuple vainqueur déchu du Tour de France. « La Russie a mis en place un système de dopage d’État », titrait Radio-Canada à l’été 2016, après que l’avocat canadien Richard McLaren eut déposé un rapport incendiaire sur la question. « Soupçons de dopage dans le ski de fond », affirmait Le Monde à quelques jours de l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang plus tôt cette année. Les scandales sur le dopage se suivent et se ressemblent, donnant plus que jamais l’impression qu’il a gangrené le milieu sportif. La consommation de substances qui améliorent les performances sportives n’est pourtant pas un phénomène nouveau dans l’his toire, mentionne Laurent Turcot, professeur au Département des sciences humaines de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). « Il y a toujours eu des athlètes qui ont testé les limites de la légalité dans l’espoir de grignoter quelques secondes. On peut retracer des cas qui s’apparentent à du dopage aussi loin que dans l’Antiquité », souligne celui qui prépare un colloque sur la question en 2020 à l’UQTR. On sait par exemple que des soldats de la Grèce antique avalaient des concoctions d’herbes avant de livrer bataille. Avance rapide jusqu’à la seconde moitié du 19e siècle, alors que le sport moderne commence à se développer. On fait alors état de certaines pratiques qui s’assimilent au dopage. Leur particularité : elles sont tout sauf scientifiques, comme le rappelle le cas de Thomas Hicks, vainqueur du marathon olympique de 1904, qui a reçu une injection de strychnine et d’alcool de ses assistants alors qu’il ralentissait. Dans le meilleur des cas, ces substances pouvaient procurer un NICOLAS HOIZEY/UNSPLASH Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC certain avantage lié à l’effet placébo. Dans le pire des scénarios, elles étaient fatales. « On ne peut pas encore parler de dopage à cette époque, puisque les connaissances scientifiques et les outils qui permettent Christiane Ayotte, directrice du Laboratoire de contrôle du dopage de l’INRS depuis 1991 de le mesurer n’étaient pas au rendez-vous », nuance Laurent Turcot. Il faudra attendre la seconde moitié du 20e siècle avant que les savoirs physiologiques et biologiques arrivent à maturité, en pleine guerre froide. Le choc entre les blocs de l’Est et de l’Ouest se transporte alors sur les terrains de sport. C’est dans ce terreau fertile que verront le jour nombre de pratiques dopantes, comme la prise massive de testostérone, une hormone à la fois anabolisante et psychostimulante. Et c’est lors du scandale de Ben Johnson, sprinteur canadien épinglé pour dopage au stanozolol, une autre substance qui accélère l’anabo lisme musculaire − transformant ses consommateurs en culturistes −, aux Jeux olympiques de 1988 à Séoul que le grand public prend véritablement conscience du dopage. « Il est le premier athlète à faire son entrée dans les livres d’histoire non pas parce qu’il a battu un record, mais bien parce qu’il a été la première grande vedette à se faire prendre la main dans le sac », dit Laurent Turcot. NICOLAS PAQUET Dans les coulisses de l’antidopage Christiane Ayotte, directrice du Laboratoire de contrôle du dopage de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) depuis 1991, a vécu de près la controverse soulevée par l’affaire Johnson. Alors associée de recherche au centre montréalais, elle se souvient du défi technique que représentait le dépistage de stéroïdes anabolisants, des substances qui étaient utilisées à l’entraînement pour augmenter la masse musculaire et accélérer la récupération. « Lors des contrôles, les traces qui subsistaient dans l’organisme étaient trop minimes pour être décelables. La méthode employée, basée sur la détection d’anticorps, était notoirement inefficace », raconte la sommité mondiale dans la lutte antidopage. Résultat : ces substances avaient la réputation d’être indétectables. C’est une avancée technologique « de dernière minute et non publicisée » qui a changé la donne et provoqué la chute de Ben Johnson. Plus sensibles, les outils décelaient désormais des traces évidentes de dopage dans les échantillons soumis, coupant l’herbe sous le pied aux tricheurs. Ces dénonciations allaient se reproduire dans les décennies suivantes, pendant lesquelles l’érythropoïétine (EPO) synthétique, dont on se sert pour accroître artificiellement la production de globules rouges, ces transporteurs d’oxygène aux muscles à l’effort, allait notamment faire son apparition dans des sports comme le cyclisme et l’athlétisme. « Aujourd’hui, on peut en détecter des doses aussi petites qu’un picogramme par millilitre d’urine. C’est très, très en deçà des microgrammes par millilitre qu’on décelait dans les années 1980 et 1990 », indique Christiane Ayotte. Si les laboratoires antidopages sont mieux équi pés que jamais, ils peuvent aussi compter sur des méthodes novatrices comme le passeport biologique afin d’attraper les fraudeurs. Ce document permet un suivi personnalisé de plusieurs variables sanguines de l’athlète, lesquelles sont mesurées au fil du temps lors des divers contrôles qu’il subit. Grâce à cet outil, toute éventuelle anomalie synonyme de dopage est mise au jour. Malgré tout, des athlètes trouvent le moyen de passer sous le radar de la suspicion. À preuve, le récent scandale de dopage institutionnel de la Russie : on a découvert que l’État a mis en place un ingénieux stratagème pour remplacer les échantillons positifs par des échantillons normaux aux Jeux olympiques de Sotchi, en 2014. En guise de punition, le pays de Vladimir Poutine a été exclu des Jeux d’hiver de 2018 ainsi que de l’Agence mondiale antidopage (AMA) en 2015 − une sentence récemment levée, puisque l’organisation a réadmis les Russes en son sein dans un revirement pour le moins controversé. « Ceux qui se dopent de nos jours le font à l’aide de microdoses plus ou moins indétectables. Est-ce efficace ? On l’ignore. Probablement que les effets sont relatifs à la récupération : on en prend entre deux compétitions ou à l’entraînement pour l’accélérer », avance la proche collaboratrice de l’AMA. À l’heure de la méthode d’édition ciblée des gènes CRISPR, le dopage génétique interpelle également les autorités antidopages. Il permettrait, par exemple, de transférer des copies supplémentaires du gène fabri quant l’EPO. Même si rien ne porte l’AMA à croire que des athlètes y recourent actuellement, cela pourrait en être tout autrement dans 5, 10, 15 ans d’ici. « Plu sieurs études et réflexions sont déjà entamées à ce sujet. Nous serons prêts », tranche Christiane Ayotte. Il le faut, car la lutte contre le dopage ressemble à celle menée contre d’autres crimes: on observe un écart constant entre les moyens dont disposent les « policiers » pour effectuer leur travail et ce que les « malfrats » investissent pour s’y soustraire. « On oublie que le système sportif, à l’image de la société, est teinté par l’atteinte de l’excellence à tout prix, fait valoir Laurent Turcot. C’est le système capitaliste : on fait tout ce qui est en notre pouvoir pour accéder aux plus hautes sphères, quitte à tricher au passage. » Ainsi, la roue continuera de tourner : les grands champions risqueront encore le tout pour le tout; leurs statues ne cesseront d’être déboulonnées; et les médias en feront leurs choux gras. n Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC | SPORT Commotions cérébrales : la science progresse Une commotion cérébrale sur deux n’est jamais décelée. Pour renverser la tendance, des chercheurs perfectionnent les techniques de détection et les protocoles de guérison. Par Maxime Bilodeau ÉRIC WAGNAC Le Québec est le premier endroit au monde à s’être doté d’un protocole de gestion des commotions cérébrales − c’est dire comme le sujet s’est élevé au rang de préoccupation collective au cours des dernières années ! Publié en 2017, le document gouvernemental d’une douzaine de pages détaille la marche à suivre en cas de traumatisme craniocérébral léger (TCL). Surtout, il cristallise la prise de conscience du milieu sportif vis-à-vis d’un fléau qui touche plusieurs disciplines. « Tous les intervenants, des joueurs aux parents en passant par les fédérations, sont plus que jamais sensibilisés aux commotions cérébrales. C’est sur toutes les lèvres », confirme Éric Wagnac, professeur au Département de génie mécanique de l’École de technologie supérieure (ÉTS) de Montréal. Malgré tout, les commotions cérébrales sont encore très fréquentes. Selon l’expert en traumatologie, jusqu’à une commotion sur deux n’est jamais détectée. Les joueurs de soccer sont tout particulièrement à risque. Paradoxal pour un sport qui, en théorie, n’implique pas de contacts ! « C’est un des rares sports dans lequel on utilise activement sa tête. Or, ces impacts répétés causent des microdéchirures au cerveau qui, à long terme, peuvent provoquer des symptômes de commotion cérébrale comme les maux de tête ou les pertes de mémoire », explique le jeune chercheur. Mise en jeu Le risque réel auquel sont exposés les as du ballon rond n’a toutefois jamais été calculé. La raison : il est difficile de mesurer les accélérations de la tête subies Joueuses portant le bandeau conçu par des chercheurs de l'ÉTS pour mieux détecter les différents types d’accélération de la tête. Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC “ Le soccer est l‘un des rares sports dans lequel on utilise activement sa tête. Or, ces impacts répétés causent des microdéchirures au cerveau qui, à long terme, peuvent provoquer des symptômes de commotion cérébrale comme les maux de tête ou les pertes de mémoire. – Éric Wagnac, chercheur à l‘ÉTS par des joueurs sur le ter rain lorsque les instruments de détection sont dotés… de f ils. Résultat : les rares études parues sur le sujet ont été principalement réalisées en laboratoire, « ce qui est plutôt imparfait », souligne Éric Wagnac. Avec son collègue Yvan Petit, aussi du Département de génie mécanique de l’ÉTS, et la doctorante Caroline Lecours, il a donc entrepris de corriger la situation. Pour y arriver, les collabo rateurs ont misé sur le SIM-G, un bandeau constitué d’un gyroscope et de deux accéléromètres qui a le mérite de se faire facilement oublier. Huit joueurs et 16 joueuses de bon niveau et âgés de 18 à 24 ans ont ainsi enfilé ce petit bijou technolo gique avant de s’affronter dans des matchs « amicaux ». Les accélérations de la tête des participants ont été enregistrées tout au long de leurs passes d’armes, qui étaient elles-mêmes captées par l’œil attentif d’une caméra. Le but : distinguer les différents types d’accélérations subies par la boîte crânienne, puis déterminer le risque de commotion cérébrale associé à chaque type. « Nous nous attendions à ce que les mouvements de rotation, comme une redirection du ballon, soient plus dangereux, puisqu’ils provoquent du cisaillement entre les matières blanche et grise du cerveau », affirme Éric Wagnac. Leurs doutes ont été confirmés : tant chez les hommes que chez les femmes, les techniques de tête, et tout particulièrement celles où s’effectue un mouvement de rotation, ont entraîné des accélérations potentiellement dommageables. Les impacts involon taires, comme la collision entre deux joueurs, étaient aussi synonymes de risques, mais bien moindres. Les défenseurs sont, semble-t-il, plus touchés que les attaquants. « La prochaine étape est d’établir des seuils de détection spécifiques au soccer, puisque les seuils utilisés dans cette étude pilote sont ceux en vigueur au football, les seuls dont nous disposons encore. À terme, nous voulons mettre le doigt sur des patrons distincts de coups à la tête qui causent des commotions cérébrales », révèle le scientifique. Le meilleur traitement ? Le sport ! Une fois la détection des commotions cérébrales facilitée, encore faut-il proposer un traitement adéquat. C’est ce qui intéresse Philippe Fait, professeur au Département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et fondateur de la Clinique Cortex, qui se spécialise dans la prise en charge du TCL. « J’aime dire que je fais de la recherche appliquée : les cas que je rencontre à la clinique nourrissent mes projets et vice versa. Ce sont des vases communicants », fait valoir ce précurseur − sa clinique est la première du genre à avoir ouvert ses portes au Québec. Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC | SPORT GRAHAM HUGHES/LA PRESSE CANADIENNE En février 2018, les Canadiens de Montréal annonçaient que leur gardien de but, Carey Price, souffrait d’une commotion cérébrale, résultat d’un tir violent à la tête durant un match contre les Flyers de Philadelphie. Ses recherches portent entre autres sur les pertes de capacités fonctionnelles qui découlent des com motions cérébrales. Dans le cadre d’une étude parue en 2014 dans le Journal of Neurotrauma, il a par exemple demandé à 13 jeunes âgés de 9 à 15 ans aux prises avec des séquelles de commotion céré brale d’accomplir deux tâches simultanément ; la première sollicitait la mémoire alors que la seconde, qui consistait à appuyer sur des boutons à un certain rythme, faisait appel aux capacités motrices fines. Au f inal, les jeunes athlètes éprouvaient davantage de difficulté que leurs coéquipiers non blessés à réaliser cette double tâche. Des clichés obtenus à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique montraient d’ailleurs un fonctionnement anormal des structures activées dans l’accomplissement de ces tâches, ce qui explique les pertes de capacités fonctionnelles des sujets. Philippe Fait croit au potentiel de l’activité physique pour aider les jeunes − et les moins jeunes − victimes à remonter la pente à la suite d’une commotion céré brale. Une idée banale en apparence, mais néanmoins radicale. « Historiquement, le traitement pour la commotion cérébrale a toujours été le repos. Quand j’ai commencé à explorer la possibilité de faire suivre aux commotionnés un programme d’exercice, on riait donc un peu de moi », raconte-t-il. Les résultats ont pourtant été au rendez-vous : au sein d’un groupe de 15 jeunes sportifs à qui l’on a prescrit un entraînement aérobie de faible intensité, la gravité des symptômes de la commotion cérébrale a diminué après une qua rantaine de jours, pouvait-on lire dans les pages du British Journal of Sports Medicine en 2017. La recherche du meilleur protocole de guérison d’une commotion cérébrale n’est pas une sinécure. Selon l’expert, plusieurs facteurs comme l’âge et le sexe des victimes, de même que la gravité des coups, la récidive et la persistance des symptômes, influent sur l’approche à préconiser. « On commence à peine à reconnaître qu’il existe différents types de maux de tête selon la nature du TCL. Des serrements diffus n’indiquent pas la même chose qu’une douleur localisée ou que des vertiges », illustre-t-il. Le chemin vers des interventions véritablement personnalisées sera encore long. Au moins, la marche est bien entamée. n “ Quand j’ai commencé à explorer la possibilité de faire suivre aux commotionnés un programme d’exercice, on riait un peu de moi. – Philippe Fait, chercheur à l‘UQTR Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC La victoire, une avancée technologique à la fois Que ce soit pour grimper sur le podium ou simplement pour garder la santé, un sportif peut aujourd’hui compter sur la technologie pour atteindre ses objectifs. Par Maxime Bilodeau Le logiciel NeuroTracker entraîne les capacités cognitives. // Muscler son cerveau pour de vrai! NEUROTRACKER supérieure (ÉTS). « Les joueurs entraînent leur vision périphérique et apprennent à focaliser leur attention sur un ou plusieurs éléments. Au final, ils ont plus de ressources cognitives à allouer à leur performance et ils se blessent moins », souligne-t-il. Sur le terrain, cela Bon an, mal an, l’Impact de Montréal, les Canucks de Vancouver, les Falcons d’Atlanta et le Manchester United connaissent du succès sur le terrain. Cela, ces équipes le doivent en partie au NeuroTracker, un logiciel de suivi d’objets multiples en 3D conçu par la PME montréalaise CogniSens. Le principe de ce programme d’entraînement cognitif est simple. À l’écran, plusieurs balles défilent simultanément. L’utilisateur doit suivre le mouvement de certaines tout en ignorant sciemment les autres. Au fil du temps, la difficulté augmente : le nombre de balles se multiplie, leur vitesse s’accroît, des tâches doubles sont imposées. Les capacités attentionnelles et cognitives sont alors mises à rude épreuve. «Chez des adeptes de sport de groupe, comme le soccer ou le football, ces exercices développent la capacité à gérer des situations de jeu complexes», explique David Labbé, de l’École de technologie se traduit par de meilleures performances individuelles et collectives. Du moins, en théorie. Avec son équipe, le professeur du Département de génie logiciel et des technologies de l’information a entrepris de le vérifier. Ensemble, ils ont réalisé plu sieurs études à l’aide du NeuroTracker dans les cinq dernières années, notamment auprès de joueurs de hockey. « Parmi nos belles découvertes, nous avons constaté que les utilisateurs du logiciel prennent de meilleures décisions en situation de jeu. De plus, leurs ligaments croisés antérieurs sont moins durement mis à l’épreuve, ce qui laisse croire à une fréquence moindre de blessures », énumère-t-il. Parvenir à démontrer l’efficacité d’une solution d’entraînement cognitif, commerciale de surcroît, n’est pas une mince affaire. Dans une étude publiée l’an passé, le Global Council on Brain Health concluait à l’inefficacité généralisée des outils de gymnastique mentale et autres applications de musculation de la Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC | SPORT une avancée technologique à la fois UQTR matière grise. Selon cette organisation indépendante composée de chercheurs dans le domaine, les preuves en faveur de ces outils sont tout simplement inexistantes. Sauf dans le cas du NeuroTracker, dont la validité a bel et bien été confirmée par la science. // Ils chassent les secondes Frédéric Domingue et Claude Lajoie sont en quête de watts. Et pas n’importe lesquels : ceux qui permettent d’atteindre la plus haute marche du podium et ceux qui condamnent à l’anonymat du peloton. « Nous travaillons avec des cyclistes de haut niveau dont la forme physique est plafonnée. Leur puissance aérobie maximale ne monte plus, leur seuil lac tique est stable… Chez eux, de simples corrections de position et d’équipement peuvent procurer des gains énormes », explique Claude Lajoie, professeur au Département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Avec son collègue Frédéric Domingue, professeur au Département de génie électrique et génie informatique de l’UQTR, le chercheur du Laboratoire d’innovations et technologies pour le sport et la performance humaine est en voie de disposer d’une expertise unique en matière d’amélioration des performances à vélo et, dans une moindre mesure, au triathlon. Dans les derniers mois, le duo a bourlingué aux quatre coins de la planète afin d’acquérir le savoir nécessaire à ce noble dessein. Lorsque Québec Science les a joints, ils venaient de passer une semaine en soufflerie à Mooresville, en Caroline du Nord. Un séjour pendant lequel ils ont étudié les effets de l’écoulement de l’air sur le corps d’athlètes − la friction de l’air est la principale résistance que rencontre un cycliste à l’effort sur le plat. Mais, surtout, un séjour onéreux : le tarif horaire pour utiliser de telles installations oscille autour de 400 $ ! Les données recueillies alors représentent un investissement à long terme. « Notre objectif est de concevoir une soufflerie virtuelle, un Frédéric Domingue, professeur au Département de génie électrique et génie informatique, et Claude Lajoie, professeur au Département des sciences de l’activité physique, tous deux à l'UQTR. Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC logiciel 3D qui créera des positions dans le confort de notre laboratoire. On pourra ainsi s’atteler à la chasse aux secondes sans même visiter une véritable soufflerie, une aubaine », affirme Claude Lajoie. Cette démarche sera multidisciplinaire ; elle engagera aussi bien des ingénieurs que des kinésiologues par exemple. En outre, elle s’articulera autour d’étapes logiques qui nécessiteront chacune un appareillage propre, comme l’électromyographie et la spectro scopie dans le proche infrarouge. Bien que très appliquées, ces recherches sont sus ceptibles d’avoir de précieuses retombées scientifiques. À terme, elles pourraient permettre de désigner les facteurs qui limitent la performance chez les cyclistes de haut niveau, rien de moins. « Nous pourrons cibler des constantes chez ces athlètes, s’il y en a bien sûr. Chez l’élite, il est parfois difficile de généraliser la portée des résultats, puisque chaque cas est à priori unique. Or, encore faut-il le prouver », indique celui dont le laboratoire pourrait bientôt se métamorphoser en chaire de recherche sur les méthodes innovantes pour la performance en cyclisme. Neila Mezghani, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en analyse de données biomédicales de la TÉLUQ // Un chandail, mille enjeux Le chandail intelligent Hexoskin habille les as tronautes de la Station spatiale internationale, des athlètes de haut niveau comme les sœurs Dufour-Lapointe et… des candidats à la chirurgie cardiaque. Ce textile bourré de capteurs et d’ac céléromètres, produit par l’entreprise québécoise Carré Technologies, pourrait aider à évaluer le taux d’adhésion des patients fraîchement passés sous le bistouri à un programme de réadaptation physique. Voilà ce que souhaite explorer Neila Mezghani, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en analyse de données biomédicales de la Télé-université (TÉLUQ) en mesurant en temps réel et automatiquement la quantité d’exercices réalisés. « Ces patients ont tendance à surestimer leur niveau réel d’activité physique », constate la chercheuse. Avec son équipe, elle recrutera dans les prochains mois une centaine de sujets, la moitié en forme et l’autre moitié aux prises avec un problème cardiaque en voie (ou non) de guérison. Sous l’œil attentif d’une caméra, chacun exécutera 16 mouvements à cinq reprises pendant plusieurs minutes. Cette base de données de plusieurs milliers d’heures alimentera ensuite des algorithmes élaborés par Neila Mezghani. « Nous enseignerons à une machine à reconnaître et à distinguer entre eux les mouve ments. Comme un enfant qui apprend l’alphabet, elle deviendra meilleure au fur et à mesure de son apprentissage », mentionne-t-elle. La richesse des données collectées aura un effet certain, spécifie la scientifique. La preuve : grâce à une telle approche, elle a obtenu un taux de succès de 97 % lors de la conception récente d’une application mobile capable de détecter les chutes. Ces textiles intelligents émettent un signal dont la précision exige la plus grande attention, souligne Tiago H. Falk, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). « S’il est facile à mesurer lorsqu’on s’assoit calmement dans un labo ratoire, sa précision tend à se dégrader rapidement lorsqu’on bouge. L’activité électrique du cœur se perd alors dans un océan de bruits », signale-t-il. Le contexte souffre alors de ces interférences : la DENIS BEAUMONT/TÉLUQ courbe anormale de l’électrocardiogramme est elle synonyme d’anomalie cardiaque? Ou est-elle simplement due à la fatigue inhérente à un effort physique vigoureux ? Impossible pour l’utilisateur de le savoir avec certitude. Par le passé, Tiago H. Falk a travaillé sur la re connaissance automatique de la parole, un domaine dans lequel le message se détériore à cause du bruit ambiant et de la réverbération entre autres. De manière surprenante, ces recherches utiles pour l’amélioration des commandes vocales qui colonisent nos gadgets le sont également pour le perfectionne ment des vêtements intelligents. « La parole, comme l’activité cardiaque, musculaire ou cérébrale, a une signature distincte. L’objectif est de déceler ces patrons, puis de les séparer du bruit ambiant », dit l’expert en apprentissage des machines et coauteur d’un brevet qui détaille le procédé complexe pour y arriver. Coïncidence : il mène ses recherches en collaboration avec… Carré Technologies, l’entreprise québécoise derrière l'Hexoskin. n Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC | SPORT Le sport contre le Big Mac Dans une étude inspirée du film Super Size Me, un chercheur montre que l’entraînement à haute intensité peut compenser les effets néfastes de la malbouffe. Par Annie Labrecque Dans le documen taire Super Size Me, sorti en 2004, l’Américain Morgan Spurlock se nourrit exclusivement de repas chez McDo nald’s pendant un mois. Au terme de cette période, il constate qu’il a pris 11 kg et qu’il a un taux de cholestérol élevé, des sautes d’humeur et des problèmes de foie notamment. Ce film a inspiré une étude d’Antony Karelis, chercheur en sciences de l’activité physique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « On sait que la malbouffe augmente les risques de maladies cardiovasculaires et que l’entraînement par intervalles est une méthode très efficace pour diminuer les complications métaboliques associées à ces maladies. Pourquoi ne pas combiner les deux ? » s’est demandé le chercheur, qui a travaillé en collaboration avec son collègue Christian Duval, également de l’UQAM. « Il y a près de 90 millions d’Américains qui mangent de la malbouffe quotidiennement. Des athlètes se disent qu’ils peuvent eux aussi en manger s’ils font de l’exercice. L’entraînement protège, oui, mais on ne sait pas jusqu’à quel point », ajoute Antony Karelis. À la différence du film, leur expérience à saveur de Big Mac s’est déroulée sur 14 jours − à la demande du comité d’éthique de la recherche − et comprenait une séance quotidienne d’entraînement intense. Les 15 volon ISTOCKPHOTO taires étaient tous des hommes actifs physiquement et âgés de 18 à 30 ans. Ces derniers n’ont pas rechigné à l’idée d’avaler un trio McDo pour déjeuner, dîner et souper. « C’est la partie “entraînement” qui s’est révélée un défi pour eux », souligne le chercheur. L’entraînement par intervalles à haute intensité consistait en 15 sprints d’une minute, entrecoupés d’une minute de marche sur un tapis roulant. « La littérature scientifique démontre que c’est une méthode très efficace pour obtenir des bienfaits pour la santé. Le concept de cet entraînement est qu’on fa tigue le muscle, on le repose et on le fatigue de nouveau », explique Antony Karelis. Grâce à cet entraînement, les participants dépensaient entièrement les quelque 3441 calories consommées tous les jours en moyenne. En revanche, ils ingurgitaient 4 724 mg de sodium par jour, alors que Santé Canada recommande un apport maximal de 2 300 mg… L’effet protecteur du sport Au bout des deux semaines, l’équipe de cher cheurs a comparé les bilans de santé des parti cipants avant et après l’expérience. Mis à part des problèmes gastro-intestinaux mineurs rapportés par deux volontaires, la majorité a conservé un bon état de santé, apprend-on dans l’étude publiée dans le journal Nutrients en août 2017. « En général, on constate qu’il n’y a pas eu de détérioration de la plupart des paramètres à l’étude [NDLR : pression artérielle, taux d’insuline et de glucose entre autres]. Un seul, le niveau de bon cholestérol, avait diminué après l’expérience », mentionne Antony Karelis. Même si l’entraînement par intervalles à haute intensité peut avoir un effet protecteur contre la malbouffe, le chercheur indique que des études supplémentaires sont requises pour le confirmer. Il aurait d’ailleurs souhaité répéter l’expérience chez les femmes ou sur un plus grand groupe par exemple. « Notre objectif était d’arriver à déterminer le seuil d’activité physique minimal nécessaire. Mais faute de financement, l’étude n’a pas été prolongée ». Il vaut donc mieux tempérer ses envies de malbouffe ! n Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC Geneviève Forest, directrice du Laboratoire du sommeil de l’Université du Québec en Outaouais, et l’une de ses étudiantes Le sport, une affaire de tête ! Pour se surpasser, un athlète doit veiller à s’entraîner aussi mentalement. Pour cela, il peut compter sur des spécialistes qui s’intéressent autant à son sommeil et à sa motivation qu’à son image corporelle. Par Annie Labrecque // Le désavantage du décalage horaire Les équipes sportives de l’Est, comme les Canadiens de Montréal, sont-elles défavorisées lorsqu’une partie se joue dans un autre fuseau horaire ? C’est ce qu’a voulu savoir Geneviève Forest, directrice du Laboratoire du sommeil de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), qui s’intéresse à l’effet de la perturbation du rythme circadien (communément appelé « horloge biologique ») sur la performance. En collaboration avec Jonathan Roy, un étudiant à la maîtrise (non, il ne s’agit pas du fils de Patrick Roy !), elle a analysé les liens entre le lieu des matchs et leur issue − victoire ou défaite − chez des équipes profes sionnelles de hockey, de baseball et de basketball de 2010 à 2015. Leurs constats ? Si le match a lieu dans l’Ouest en après-midi, tout le monde part sur un pied d’égalité, peut-on lire dans leur article publié dans le Journal of Sleep Research en 2017. Mais si la partie a lieu le soir, et toujours dans l’Ouest, l’équipe locale est avantagée. L’équipe de hockey en voyage gagnera 41,6 % des matchs, comparativement à 46,6 % à domicile. « Même s’il n’est que 19 h, le corps se prépare à dormir, car, pour l’équipe en déplacement [de l’Est], il est 23 h ou minuit, rappelle Geneviève Forest. Nous avons observé ce désavantage sur la performance pour les trois sports, mais il est plus important pour le basketball et le hockey. Au football, l’effet est tout aussi prononcé, mais il ne se démarque pas sur le plan des statistiques, possiblement parce qu’il y a moins de parties au calendrier et que les joueurs disposent de plus de temps entre deux parties pour s’adapter au changement d’horaire. » Quant aux équipes originaires de l’Ouest, elles ne subissent pas d’effet notable lorsqu’elles se déplacent vers l’Est, peu importe le sport. Cette étude sert de prémisse au projet de recherche Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec SARAH SCOTT/UQO LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC | SPORT auquel se consacre actuellement Geneviève Forest : « On s’intéresse aux jeunes athlètes des programmes sport-études au secondaire qui s’entraînent intensive ment alors qu’ils vivent des changements majeurs. À l’adolescence, leur horloge biologique se déphase : ils se couchent et se réveillent tard. Mais avec leur horaire très contraignant, ils doivent se lever très tôt et ne dorment pas les 10 heures nécessaires par nuit. Quelle est l’influence de ce déficit de sommeil sur les performances sportive et scolaire ? » Les résultats de cette nouvelle étude devraient paraître en 2019. Comme quoi, il ne faut jamais négliger les bras de Morphée, qu’on joue dans les ligues majeures ou mineures ! // Attitude gagnante, résultats gagnants Comme disait Bob dans le film Les boys, « la dureté du mental » peut expliquer une mauvaise ou une bonne performance. C’est justement l’une des spécialités de Jacques Plouffe, chercheur en kinésiologie à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Au début de sa carrière, les athlètes profession nels se préoccupaient peu de leur état d’esprit. « Il y a 30 ans, les athlètes avaient peur d’avouer qu’ils avaient une faiblesse mentale ou des problèmes de motivation. C’était tabou. Maintenant, ils comprennent qu’il leur faut un coach mental au même titre qu’un coach derrière le banc. » Le préparateur mental aide les athlètes à conserver une attitude positive et à envisager l’épreuve sportive comme un défi et non comme une menace, une inter vention à mille lieues d’une séance de psychothérapie. « Il y a quatre composantes dans la force mentale : la motivation, la confiance, la concentration et la relaxa tion, énumère Jacques Plouffe. L’athlète aura la force mentale nécessaire pour exploiter tout son potentiel si ces composantes sont développées à leur maximum. » Pour arriver à cette disposition particulière, les sportifs peuvent se remémorer les meilleures pé riodes de leur vie sportive ou de leur vie en général, se concentrer sur des pensées positives, contrôler leur respiration, répéter des mots riches de sens et faire du yoga ou de la méditation. « On les aide à être absorbés par le moment présent et à éliminer toutes les distractions possibles. » Mais l’entraînement mental ne donne pas de résul tats du jour au lendemain. « Beaucoup font l’erreur de s’entraîner mentalement à la dernière minute, avant une compétition importante. Il faut s’exercer tous les jours, comme on le fait avec son corps », précise Jacques Plouffe. C’est encore plus vrai pour les Jeux olympiques. Selon Jacques Plouffe, il faut les aborder comme un objectif à long terme et viser une excellente performance plutôt qu’une médaille. « Ceux qui veulent absolument un podium ont peur de perdre, ce qui les empêche de véritablement se concentrer, de se détendre et de se motiver pour donner le meilleur d’eux-mêmes. » // Le sport qui rend malade L’activité sportive a une action bienfaisante indéniable sur la santé, mais elle peut également provoquer chez les athlètes des troubles du comportement alimentaire (TCA). Pensons à l’anorexie sportive, présente notam ment chez les femmes qui veulent devenir minces, et à la dysmorphie musculaire, rencontrée principalement chez les hommes qui souhaitent augmenter leur masse musculaire. Johana Monthuy-Blanc, directrice du Laboratoire de recherche interdisciplinaire sur les troubles du com portement alimentaire en lien avec la réalité virtuelle et la pratique physique, le Loricorps, à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), mentionne que certains sports sont plus susceptibles de mener à des déséquilibres alimentaires. « Les judokas, surtout les hommes, sont particulièrement assujettis à la fluctua tion pondérale de performance, qu’on nomme “effet yoyo”. Ils essaient d’être à la limite inférieure de poids d’une catégorie et prennent ensuite le plus de masse possible en 48 heures avec des stratégies pouvant conduire à des TCA, comme l’utilisation excessive de séances de sudation ou la suralimentation », décrit-elle. Les plongeurs et les patineurs artistiques, eux, sont obligés de maintenir une silhouette parfaite pour répondre aux exigences tant physiques qu’esthétiques de leur discipline. Malheureusement, plusieurs athlètes touchés par ces troubles ne consultent un spécialiste que lorsque la situation est devenue presque irréversible. « Les symptômes sont déjà tellement graves qu’on doit “sortir” le sportif de sa pratique », dit Johana Monthuy-Blanc. Le médecin prescrit carrément un arrêt de tout entraînement, un drame pour un athlète. Le Loricorps, en collaboration avec le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, a donc créé un programme d’intervention qui vise la clientèle sportive aux prises avec des troubles alimentaires légers ou modérés dans l’espoir de résoudre à temps leurs difficultés. Et de favoriser une pratique du sport la plus saine possible. n “ Certains sports sont plus susceptibles de mener à des déséquilibres alimentaires.– Johana Monthuy-Blanc Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC Le sport pour mettre les villes en valeur Le professeur André Richelieu étudie comment la réputation d’une ville ou d’un pays peut se faire (et se défaire) grâce au sport. Par Marie Lambert-Chan ANNIE SPRATT/UNSPLASH New York a les Yankees, le Madison Square Garden et le US Open. Londres a le Chelsea, l’Arsenal et Wimbledon. Montréal a les Canadiens, la Coupe Rogers et, quoi qu’on en pense, le Stade olympique. Depuis plusieurs années maintenant, l’image d’une destination passe entre autres par le sport, qu’il s’agisse d’organiser une manifestation d’envergure comme les Jeux olympiques ou de devenir le domicile d’une équipe reconnue. Même les contrées moins développées s’y mettent, tel l’Azerbaïdjan qui, pour séduire les touristes, accueille un Grand Prix de formule 1 depuis 2016. Miser sur le sport pour asseoir sa renom mée peut s’avérer une excellente idée, mais aussi, parfois, une catastrophe. À ce sujet, on se souviendra de l’échec retentissant de la course de formule E qui s’est tenue à Montréal en 2017. Comment les décideurs peuvent-ils y voir plus clair ? André Richelieu, professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) , a analysé une centaine d’études scientifiques et pratiques pour en tirer une stratégie qui a fait l’objet d’une publication l’automne dernier dans la revue Sport, Business and Management. Il nous en livre ici les grandes lignes. Vous observez depuis plus de 15 ans le monde du sport. Au cours de cette période, comment les villes et les pays ont-ils utilisé le sport pour accroître leur visibilité ? À une époque pas si lointaine, le sport n’était que du sport : un match, des spectateurs, des hot-dogs. Aujourd’hui, le sport est une expérience. On le voit par exemple à Las Vegas, où les matchs des Golden Knights André Richelieu © UQAM/SERVICE DE L’AUDIOVISUEL sont ponctués de spectacles à grand déploiement. Ce qui demeure, toutefois, à travers le temps, c’est le caractère rassembleur du sport. Voilà pourquoi les villes et les pays utilisent le sport pour attirer des touristes et se mettre en valeur sur la scène internatio nale. Cela s’opère grâce aux rendez-vous sportifs, mais aussi aux ligues. Depuis les années 1980, la NBA [National Basketball Association] a travaillé très fort pour se faire connaître en Chine. Résultat, ses matchs y sont désormais six fois plus populaires que les trois plus importants championnats Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC | SPORT de soccer européen réunis. Des Chinois voyagent d’ailleurs aux États-Unis juste pour assister à des parties de basket. Que proposez-vous aux gouvernements qui désirent accueillir des épreuves sportives pour redorer leur image ? Je ne veux pas donner l’impression que c’est une recette, car chaque cas demeure particulier. Mais de manière générale, tout doit démarrer par une vision à long terme À gauche, la tour du Stade olympique de Montréal. Ci-dessous, le stade Maracaña, au Brésil, laissé à l’abandon, et les installations olympiques des Jeux de Sotchi, en Russie, qui ont coûté 55 milliards de dollars. où l’on pense à léguer un héritage socioéconomique à la population. Cela signifie que le sport n’est pas une f inalité, mais un moyen pour améliorer les conditions de vie des habitants. Ainsi, à Singapour, la piste du Grand Prix de formule 1 est un circuit routier utilisé toute l’année par les citadins. En Pologne, en 2012, à l’occasion du Championnat d’Europe de soccer, le gouvernement a investi davantage d’argent dans les routes, les autoroutes et les tramways que dans les stades. On a aussi construit une voie rapide pour réduire la durée du trajet entre la Pologne et l’Allemagne. Dans ce cas-ci, ce fut bon à la fois pour la population locale et pour les acteurs économiques. Malheureusement, il arrive encore trop souvent qu’on se concentre sur le côté « bling-bling » d’une rencontre sportive. La suite se révèle affligeante. À Athènes, il pousse des oliviers sur des terrains neufs qui n’ont servi qu’aux compétitions de baseball et de softball aux Jeux olympiques de 2004. À Rio, le mythique stade Maracaña est laissé à l’abandon. C’est sans parler de Sotchi, une ville désertée après que la Russie y a dépensé 55 milliards de dollars américains pour les Jeux d’hiver de 2014. C’est en raison de ces coûts exorbitants que les candidatures n’affluent pas au Comité international olympique. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Organiser de grandes manifestations sportives vaut la peine pour les villes et les pays qui ont une faible notoriété sur la scène internationale. Cela leur permet de se « mettre sur la carte ». C’est également ce que recherchent des pays qui ont des desseins politiques et qui, à ces fins, instrumentalisent le sport, quitte à le vampiriser. Je pense notamment à la Russie et au Qatar. Parallèlement, un mouvement émerge à travers l’Europe et l’Asie : des populations refusent d’accueillir les Jeux olympiques parce qu’elles estiment le retour trop faible. Et elles ont raison. Prenez seulement la Coupe du monde de soccer. C’est le pays hôte qui assume entièrement les risques sans recevoir de ISITSHARP/ISTOCKPHOTO WIKIPEDIA contribution équitable de la Fédération internationale de football association (FIFA) . Ainsi, si une horde de houligans détruisent des installations, la facture est épongée par le gouvernement. À ce chapitre, je crois que Montréal et les autres villes d’Amérique du Nord qui organiseront la Coupe du monde de 2026 ont raté une occasion de mieux négocier avec la FIFA. Elles ne sont pas les seules : bien des villes et des pays n’ont pas encore compris qu’ils ont le gros bout du bâton par rapport aux grandes organisations sportives en raison de la rareté des candidatures. Dans votre étude, vous affirmez que les plus petits rendez-vous sportifs, comme les défis cyclistes, sont plus gratifiants pour les villes que les gros. Pourquoi ? Oui, cela semble contre-intuitif, mais pratiquement toutes les études le montrent. Les petites manifestations sportives impliquent des enjeux politiques moins grands. On se soucie davantage d’utiliser les installations dont on a vraiment besoin. C’est moins grandiose et donc il y a moins d’intrusion de politiciens, de célébrités et de commanditaires. À la fin, les bénéfices sont mieux distribués entre toutes les parties prenantes. Mais par-dessus tout, ces rencontres favorisent une réelle participation sportive de la communauté et l’adoption de saines habitudes de vie. C’est l’héritage du sport dans sa plus belle expression. n Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| L’essor fulgurant du sport électronique Des millions de spectateurs regardent des tournois de jeux vidéos sur le Web ou dans des stades remplis à craquer. Qu’est-ce qui explique cet engouement ? Par Annie Labrecque Pour les non-initiés, le sport électro nique est déroutant : des joueurs professionnels font du jeu vidéo leur métier à temps plein et se rassemblent, l’instant d’un tournoi, devant des milliers d’adeptes qui les regardent jouer. Cela n’a rien d’une lubie. D’ici la fin de 2018, le chiffre d’affaires mondial du sport électronique s’élèvera à 906 millions de dollars américains et l’assistance globale pourrait atteindre 380 millions de personnes, selon la firme Newzoo. Pas de doute possible, les jeux vidéos pratiqués en réseau ont la cote ! Simon Dor, professeur en études vi déoludiques à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), raconte que le sport électronique a pris son envol avec les compétitions de StarCraft à la fin des années 1990, en Corée du Sud. Ce jeu de stratégie en temps réel (STR) se déroule dans un univers de science-fiction où trois types d’armées s’af frontent dans la Voie lactée. Sa popularité est si grande qu’on publie les résultats des matchs dans les journaux coréens. « Des organisations f inancées par des compagnies comme Sam sung ont mis en place les premières équipes de joueurs à l’époque, relate le chercheur. Deux chaînes spécialisées à la télévision diffusaient des parties de StarCraft presque 24 heures sur 24 ! Le modèle s’est propagé en Europe et en Amérique dans les années 2010. » Plus populaire que Djokovic Loin d’avoir une intrigue linéaire et prévisible, les jeux de STR comme StarCraft et Age of Empires offrent une possibilité infinie de scénarios pour divertir le public. « Les joueurs utilisent des tactiques communes, mais la manière dont ils jouent change au fil du temps et peut même différer d’une région à l’autre, remarque Simon Dor, qui est spécialisé dans l’histoire de ce genre de jeux. À un certain mo ment, un joueur créera une nouvelle stratégie qui surprendra le reste des joueurs, qui vont tenter de l’adopter par la suite. » D’autres formes de jeux connaissent aussi un vif intérêt, tels que les jeux de tir à la première personne (le joueur voit à l’écran ce que son personnage voit ; c’est le cas d’Overwatch) et les battle royale, où le but est de survivre (Fortnite, PUBG). Plusieurs éléments ont contribué à propulser le sport électronique, mais c’est surtout la transmission des tournois en direct qui a fait GORODENKOFF/ISTOCKPHOTO découvrir ce passe-temps à un large auditoire. La plateforme Twitch, lancée en 2011, permet à n’importe qui de publier ses parties en temps réel, mais on y regarde surtout les joueurs professionnels concourir. « Les joueurs ont formé leur propre communauté d’incondition nels grâce à Twitch, mentionne Simon Dor. Ils y interagissent avec eux. » Ces personnalités intéressent un public parfois plus large que celui des sports traditionnels. Par exemple, le joueur américain Tyler « Ninja » Blevins réussit à attirer 32,3 millions d’abonnés comparativement au joueur de tennis Novak Djokovic, qui est suivi par 20,2 millions de partisans. Voyant le pouvoir attractif du sport électro nique, des commanditaires n’hésitent pas à investir des millions pour s’y associer. Même les sports classiques entrent dans l’arène, comme la National Basketball Association (NBA), qui possède maintenant sa propre ligue électronique avec 17 équipes et qui a obtenu 152 millions de vues sur les réseaux sociaux lors des finales. La NBA pourrait bien avoir misé juste : selon certaines prévisions, le sport électronique est en voie de détrôner le basket, le hockey et même le soccer dans le cœur des amateurs. n DU SPORT ÉLECTRONIQUE AUX JEUX OLYMPIQUES? Les joueurs de sport électronique ne seront pas conviés aux Jeux olympiques de Tokyo (2020), mais cela n’empêche pas le Comité international olympique de penser sérieusement à les accueillir dans de futurs jeux. Dans l’attente de la consécration, des stades voués à la discipline sont construits ; c’est le cas au Texas (1 000 spectateurs) et en Colombie-Britannique (250 spectateurs). Il va y avoir du sport! Encart produit par le magazine Québec Science, édition de décembre 2018 et financé par l’Université du Québec